01_Signification autochtone - CUPUM/ecometropole_laurentienne GitHub Wiki

Dénommé « Magtogoek » ou « le chemin qui marche » par la nation des Algonquins[^1] et défini comme la porte de l’Amérique par les nations colonisatrices[^2], le fleuve Saint-Laurent a joué un rôle de premier plan dans le développement économique et social des territoires de l’est du Canada et du nord des États-Unis. Si le corpus de travaux scientifiques portant sur la relation que les populations du territoire québécois entretiennent avec le fleuve est plus dense en ce qui a trait aux nations colonisatrices qu’aux nations autochtones, il est établi que le fleuve Saint-Laurent a durant des millénaires servi de lieu de rencontre et favorisé les échanges commerciaux. Les peuples Mohawks, Hurons, Montagnais, Abénakis, Malécites et Micmacs en sont les premiers utilisateurs[^3]. Les Madouescas, appartenant à la nation des Malécites, occupaient le territoire de la partie haute de la rivière Saint-Jean. Un peuple nomade, ils se déplaçaient vers la rive sud du Saint-Laurent au cours la saison estivale afin d’accéder aux ressources prodiguées par le fleuve. La nation des Malécites de Viger dispose aujourd’hui de deux réserves situées dans le Bas-Saint-Laurent soit, Cacouna et Whitworth[^4].

Le territoire de la rive sud du Saint-Laurent était également occupé par la nation Waban-Aki (Abénakis) qui comprend aujourd’hui les communautés d’Odanak et de Wôlinak. Certains groupes de ces communautés étaient également présents sur la rive nord du Saint-Laurent, plus précisément à la hauteur de Québec où ils y pratiquaient la pêche, la trappe, la chasse et l’agriculture[^5]. La Nation huronne-wendat était présente, pour sa part, dans la vallée et dans l’estuaire du Saint-Laurent. Elle est principalement établie depuis le 17e siècle dans la réserve de Wendake, située dans le nord-ouest de la ville actuelle de Québec[^6]. Les nations mohawks faisant partie de la famille linguistique iroquoise, plus précisément les communautés de Kahnawake, Kanesatake et Akwesasne, originellement établies au sud du lac Ontario détiennent une relation notable avec le Saint-Laurent du fait de leur déplacement vers la région de Montréal au cours du 17e siècle. On note entre autres, comme évènement notable, la création en 1667 de la réserve de Kahnawake située au sud-ouest de Montréal[^7].

Mentionnons les nations Mi’gmaq (Micmacs) de Gespeg et de Gesgapegiag qui font partie des peuples autochtones micmacs qui ont traditionnellement occupé la péninsule maritime, dont la région de la Gaspésie et pour qui le fleuve Saint-Laurent détient encore un rôle de premier plan[^8]. Soulignons finalement la présence des Innus, anciennement appelés les Montagnais, d’Essipit, de Mashteuiatsh et de Pessamit situés aux abords du golfe du Saint-Laurent[^9]. Ceux-ci fréquentaient plus précisément un territoire compris entre Trois-Rivières et la Basse-Côte-Nord. La période estivale voyait le rassemblement de ces communautés aux abords des rives afin d’y réaliser des échanges sociaux et commerciaux. La sédentarisation de la communauté s’est notamment entamée avec la création de la réserve de Pessamit au cours des années 1860[^10].

Figure 3 - Carte des communautés autochtones du Québec Carte Premières Nations Québec

Les revendications territoriales autochtones contemporaines sont diverses et spécifiques à chaque nation. Le gouvernement du Canada reconnait, depuis 1973, deux formes de revendications soit : « Les revendications globales, qui concernent des droits non éteints par les traités ou autrement (on réfère ainsi aux droits « ancestraux ») ; et les revendications particulières qui résultent du non-respect de traités ou d’une mauvaise gestion de la loi s’appliquant aux peuples autochtones[^11]». Nous pouvons fait était d’une réclamation généralisée quant au droit de disposer d’un territoire nécessaire à la poursuite des activités coutumières ainsi que la mise à leur disposition d’institutions permettant la viabilité de leur développement économique et politique. Ce dernier est basé, entre autres, sur le droit à l’autodétermination des peuples défini à l'intérieur de la Charte internationale des droits de l'homme[^12]. Les revendications en rapport au fleuve se rapportent principalement à ces enjeux. On note la multiplicité des communautés autochtones qui pratiquent encore la pêche tant commerciale qu’alimentaire ainsi que d’autres activités de subsistance sur le territoire du Saint-Laurent. Le fleuve détient également une signification spirituelle et récréative pour plusieurs communautés[^13].

Le territoire ancestral du peuple innu, le Nitassinan, comprend une large étendue localisée aux abords du Saint-Laurent. On retrouve également le territoire ancestral des Abénakis, le N’dakinna qui s’étend de Rivière-du-Loup jusqu’à la rivière Richelieu. Le Nionwentsïo est le territoire revendiqué par la nation huronne-wendat, il englobe la région de Québec ainsi qu’une section de l’état américain du Maine. Le Gespe’gewa’gi, qui s’étend de de la péninsule gaspésienne jusqu’au Nouveau-Brunswick, est le territoire anciennement occupé par la nation Micmac. La nation des Malécites revendique pour sa part le territoire ancestral de Wolastokuk qui représente une large partie du bassin versant du Saint-Laurent. À ceci s’ajoutent diverses parcelles de territoire d’occupation ancestrales localisées aux abords des villes de Québec et de Montréal revendiquées par les nations des Mohawks et des Hurons-Wendats[^14]. On constate un chevauchement de ces divers territoires, complexifiant ainsi la situation quant à la reconnaissance territoriale. Une coalition de 2013 réunissant des représentants des peuples innus, malécites et micmacs avait pour objectif de protéger et de promouvoir les droits et les intérêts de ces nations et de leurs territoires ancestraux[^15].

Le rôle des communautés autochtones dans les procédés décisionnels relatifs à la gestion des territoires fluviaux demeure relativement limité. On dénote un enjeu récurrent quant à la menace des terres revendiquées par les projets de développement sur le territoire québécois. Les peuples autochtones sont d’autant plus concernés par les enjeux liés aux différents projets d’exploitation des ressources, aux changements climatiques, à la pollution du fleuve, à l’approvisionnement en eau potable ainsi qu’à l’aménagement hydrologique. La consultation des Premières Nations par la mise en place de structures de gouvernance inclusives en amont d’un projet demeure l’une des priorités identifiées par les communautés autochtones. À celle-ci s’ajoute l’accroissement du degré d’implication et de l’autonomie quant à la gestion de l’eau, la reconnaissance et l’intégration des systèmes de connaissances autochtones ainsi que le respect des droits et intérêts des peuples autochtones[^16]. Le gouvernement du Canada a annoncé en juillet 2021 son intention de procéder à une évaluation régionale de la région du fleuve Saint-Laurent en réponse aux demandes énoncées par divers représentants des communautés autochtones[^17].

[^1]: Pasquet, 2015 [^2]: Lasserre, 1980 [^3]: Mercier et Hamel, 2005 [^4]: Michaud, 2015 [^5]: Administration portuaire de Québec, 2016 [^6]: Ibid [^7]: Chalifoux, 2009; Mohawk Council of Akwesasne, 2021; Sossoyan, 2009 [^8]: Ministère des Affaires autochtones et du Nord Canada, 2012 [^9]: Girard et Brisson, 2018 [^10]: Pekuakamiulnuatsh Takuhikan, Conseil des Innus Essipit et Conseil des Innus de Pessamit, 2015 [^11]: Dupuis, 2012, p. 115 [^12]: Dufour, 1993 [^13]: Desbiens, Gagnon et Roy-Allard, 2015 [^14]: Tarte, 2015 [^15]: Ibid [^16]: Environnement et Changement climatique Canada, 2020; O’Bomsawin & Mailhot Couture, 2018 [^17]: Wilkinson, 2021