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La famille

Le paragraphe ci-dessous reprend le texte du livre publié en version papier en décembre 2022 et le compléte par des faits marquants survenus durant l'exode de la famille Leruste-Delescluse.

Introduction

À l’issue de la Première Guerre mondiale, « le 28 juin 1919, le traité de Versailles est conclu entre l’Allemagne et les puissances alliées et associées. Parmi ses clauses, la limitation du potentiel militaire allemand et le versement par l’Allemagne de 20 milliards de marks-or au titre des réparations. » (Le Petit Larousse illustré, Larousse, 2008).

La pilule est amère ! L’Allemagne prépare sa revanche. En 1933, Adolf Hitler arrive au pouvoir. « Il est le fondateur et figure centrale du nazisme, il instaure une dictature totalitaire, impérialiste, antisémite, raciste et xénophobe désignée sous le nom de Troisième Reich » (Wikipédia).

Un documentaire, Les Nazis et l’argent au cœur du IIIe Reich, diffusé sur Arte le 9 février 2021, met en évidence que la mise en place par Hitler de « la remilitarisation […] ne pouvait trouver d’issue que dans la guerre. Une fois celle-ci déclenchée, le pillage systématique des territoires occupés, le retour au travail forcé et l’élimination des bouches inutiles (les populations des zones conquises) ont fait office de politique économique »… (Télérama no 3708).

En France, Albert Lebrun est président de la République de 1932 à 1940, pour deux septennats successifs ; le second sera interrompu par l’arrivée au pouvoir du maréchal Pétain.

À cette date, en 1939, Stéphane a 29 ans, il habite Tourcoing avec sa famille. Son épouse, Marie, lui a donné trois enfants : Stéphane, Jean-Pierre et Patrick. Il occupe un poste de directeur dans une usine de filature textile (Jonglez). Dans cette entreprise, son père, Amand Leruste (5/9/1881-23/12/1945), autodidacte, avait gagné la confiance de ses patrons et gravi tous les échelons jusqu’au poste de directeur de la filature. Dans les années trente, il y a présenté son fils Stéphane qui a été embauché.

Stéphane (note) : Selon une tradition familiale, le prénom du père peut être attribué au fils aîné et ce parfois sur plusieurs générations, c’est le cas pour la famille Leruste dont les prénoms sont successivement : Stéphane Roger, Stéphane Armand et Stéphane Vincent. Toutefois dans le langage quotidien, les appellations respectives sont : Stéphane père, fils et petit-fils.

À la suite de l’invasion de la Pologne, le Royaume-Uni et la France déclarent la guerre à l’Allemagne nazie, le 3 septembre. La première période est nommée « drôle de guerre ». Stéphane est mobilisé dans le courant de ce même mois, un peu après les autres parce qu’il est père de trois enfants. « C’était un lundi, témoigne son fils, alors âgé de 5 ans, également prénommé Stéphane. Je me vois sur les genoux de ma mère, dans la cuisine (celle du bout de la maison), lui disant au revoir. » Il obtient ensuite une permission.

permission (note) : Témoignage de Stéphane fils : « Je me souviens […] d’une photo (que je n’ai pas retrouvée) où il est en permission avec Marie et nous trois dans un jardin public. C’était pendant la “drôle de guerre”, où il était fantassin en poste dans les Ardennes et sous l’autorité de l’armée française. Fait prisonnier lors de l’invasion en mai 1940, il resta en détention jusqu’en mai 1942. »

Dans les mois qui suivent sa mobilisation, il est capturé dans les Ardennes et fait prisonnier par les Allemands. Il est conduit dans un camp de guerre (Kriegslager en allemand) situé aux environs de Munich. Durant sa captivité, il perfectionne sa connaissance de la langue allemande, il est interprète occasionnel. Il exerce de nombreux métiers (dont conducteur de tramway), se plaint de la nourriture (il aurait mangé de la graisse à chaussures), et endure ce régime pendant trente-deux mois ! La conduite d’un tramway était sans aucun doute très encadrée ne permettant aucune évasion possible.

tramway (note) : Commentaire de Stéphane fils : « À ce sujet, il m’avait dit avoir intégré un dépôt de tramways. Il assurait les réparations ou l’entretien voire à l’occasion la conduite. »

Le 17 mai 1940, le maréchal Pétain est rappelé au gouvernement ; le 18 juin, le général de Gaulle lance son appel ; le 22 juin, Pétain fait signer l’armistice.

Par une lettre qui lui parvient trois mois après son envoi, Stéphane apprend le décès par maladie de Marie (2 mars 1941), son épouse. Veuf avec trois enfants, il peut bénéficier des accords de Pierre Laval avec l’autorité nazie, et il rentre en mai 1942, après trente-deux mois d’absence. À la mort de Marie, les trois enfants avaient été confiés à la famille. Stéphane et Jean-Pierre chez Bonne Maman Gadenne, la mère de Marie, et scolarisés au collège Saint-Joseph à Lille. Patrick vivait chez Bonne-Maman Leruste à Tulle – c’est surtout Thérèse, la sœur de Stéphane, qui s’occupait de lui. C’est à Lille, place du Théâtre, au terminus du tramway, que les retrouvailles se déroulent. Stéphane retrouve ses deux fils aînés, mais ils ne le reconnaissent pas, ou mal ! Cette froideur de leur part (Stéphane a alors 8 ans et Jean-Pierre, 6 ans) l’avait beaucoup affecté et il s’en est ouvert dans la famille. Quant à Patrick, il était absent lors de ces retrouvailles Témoignage de Stéphane fils : « Je me souviens […] d’une photo (que je n’ai pas retrouvée) où il est en permission avec Marie et nous trois dans un jardin public. C’était pendant la “drôle de guerre”, où il était fantassin en poste dans les Ardennes et sous l’autorité de l’armée française. Fait prisonnier lors de l’invasion en mai 1940, il resta en détention jusqu’en mai 1942. » Commentaire de Stéphane fils : « À ce sujet, il m’avait dit avoir intégré un dépôt de tramways. Il assurait les réparations ou l’entretien voire à l’occasion la conduite. »

Son fils Stéphane témoigne : « Au retour de Papa, en mai 1942, après une scolarisation au collège Saint-Joseph de Lille, nous réintégrons Tourcoing et sommes inscrits avec Jipé (Jean-Pierre) chez les Frères, à proximité de la rue du Brun-Pain, et ce pour deux ans consécutifs. La guerre n’est pas terminée. Un soir, au retour de l’école, la sirène nous avertit de l’imminence d’un bombardement. Respectant la consigne formulée par les parents, nous nous réfugions chez un marchand de parapluies qui nous accueille et nous réconforte. À propos des précautions face aux bombardements, la maison que nous occupions était dotée d’une cave, comme toutes celles avoisinantes. La Défense passive recommandait le percement du mur mitoyen de façon, en cas d’effondrement, que nous ayons la possibilité de passer chez le voisin ou la voisine (en l’occurrence Mme Flourens, qui avait deux fils dont l’un était plus âgé que moi) ! »